Cinquième Atelier du dimanche

Le cinquième Atelier du dimanche proposé aux adhérents d’Addor a eu lieu le 13 février 2011. Il était animé par Mariannick Bellot sur le thème « L’Imaginaire radiophonique : du documentaire vers la fiction ». Un atelier autour du langage radiophonique, basé sur l’écoute de fiction radios écrites à partir de rushes de documentaires.

Regardez par ici pour les comptes rendus des précédents ateliers… et le programme des prochains.


Compte rendu de Léa Minod

Mariannick Bellot est l’auteur de nombreux documentaires et fictions pour France Culture. Elle réalise aussi des fictions radiophoniques pour ARTE Radio.

Le parcours d’étudiante de Mariannick la mène d’abord à  la FEMIS où elle suit une formation de scénariste.

C’est lors de sa première année qu’elle se lance pour la première fois dans la manipulation du son.

Grâce à la Fémis, elle écrit une première fiction radio pour France Culture. Elle qui écoutait beaucoup la radio, surtout les documentaires, est étonnée de découvrir l’envers du décor… Car la jeune femme ne s’était jamais demandé « comment tout ça marche ».

L’écoute de documentaires de France Culture, en particulier des « Nuits magnétiques », occupe une grande place dans sa vie : « Tout d’un coup, un monde s’ouvrait ».

Après ses études, elle travaille quelques années comme scénariste, essentiellement sur des premiers longs métrages.

En 2001, grâce à la bourse « Brouillon d’un rêve » de la SCAM, elle peut enquêter sur l’histoire des camps nazis de l’Organisation Todt en France (chargée de la construction du Mur de l’Atlantique), où a été enfermé son grand-père, républicain espagnol exilé en France.   

Cette enquête deviendra un documentaire pour « La Fabrique de l’Histoire », sur France Culture. A partir de là, elle travaille de plus en plus pour la radio, en documentaire (« Surpris par la nuit », « Sur les Docks », « Les passagers de la nuit ») et en fiction.

Elle a reçu en 2009 le prix Nouveau Talent Radio de la SACD, et en 2008 le prix spécial Europa du meilleur feuilleton radiophonique européen pour le bocal, réalisé avec Christophe Rault pour ARTE Radio. En 2006, avec l’ensemble des producteurs de « Sur les Docks », elle a reçu le prix collectif de la SCAM pour le documentaire radio.

Sophie Bissantz travaille comme bruiteuse à Radio France et parfois pour Arte Radio. Elle travaille le plus souvent avec des réalisateurs de fiction, mais elle a aussi collaboré avec des documentaristes : récemment, avec Irène Omélianenko, pour un docu-fiction, ou avec Perrine Kervran pour « les rêves rêvés, sur « Les passagers de la Nuit ».

C’est pour elle que Mariannick a écrit « Le Bocal », une fiction sur la vie de bureau, comme un cartoon radiophonique. Elles s’étaient rencontrées sur une fiction de Mariannick réalisée par Marguerite Gateau, puis Sophie avaient travaillé sur un documentaire de Mariannick sur les menteurs, où sa créativité sans limite avait donné envie à Mariannick d’écrire pour elle. Elles ont poursuivi leur collaboration sur « Comme un pied », le feuilleton sur le foot que Mariannick a réalisé pour ARTE Radio en 2010.

Sophie a été conviée par Mariannick pour évoquer son travail avec les documentaristes et les réalisateurs de fiction. « Je laisse venir les choses, je réfléchis d’abord sur une ambiance, sur des sensations » dit-elle, lorsqu’un auteur lui présente un scénario.  Elle doit comprendre les volontés de ce dernier, rester ainsi à l’écoute.

Et parfois, lorsque ces volontés sont difficiles à réaliser, l’inventivité de Sophie n’en est que stimulée.

Elle regrette que le travail avec les documentaristes soit très limité dans le temps : 4h de tournage pour un documentaire de 55 minutes, contre 2 à 3 jours de tournage sur une fiction, même si le rôle d’un bruiteur sur le plateau ne se limite pas à l’enregistrement des bruitages. Le bruiteur est le « corps » des comédiens, il bruite tous leurs mouvements, d’où sa présence constante, et sa proximité avec eux lors des enregistrements. C’est aussi lui qui dirige les ambiances, avec les figurants. Il est le relais de l’équipe de réalisation sur le plateau.

Pour Irène Omélianenko, qui a pris pour sujet un alpiniste coincé dans un glacier, elle a cherché à rendre la sensation du froid, les craquements et les grondements du glacier. Elle travaillait face au comédien qui interprétait le texte.

Méthode de travail de Mariannick Bellot

D’après Mariannick, il y a un désir qui la porte, du début à la fin de son projet, sans qu’elle puisse forcément toujours mettre les mots dessus. Elle s’appuie sur lui, sans savoir où elle va. Elle peut y revenir en cours de travail pour savoir si elle est sur le bon chemin ou pas. C’est comme une note fondamentale qui va donner la tonalité de projet.

Elle ne fait pas de différence capitale entre le travail sur une fiction et sur un documentaire : dans les deux cas, il s’agit de raconter une histoire, en assumant un point de vue subjectif et une construction narrative.

Le même désir d’explorer une thématique peut d’ailleurs prendre au final la forme d’un documentaire ou d’une fiction, suivant les rencontres ou les occasions de travailler dans tel ou tel cadre de production.
Plusieurs sujets ont été traités en fiction puis en documentaire, ou l’inverse, comme « le petit vélo », une fiction écrite pour France Inter et réalisée par Marguerite Gateau, qui a précédé un documentaire sur le même thème des comparutions immédiates.

Au départ d’une fiction, il y a souvent plusieurs origines mêlées. Au départ, il y a souvent une sensation très forte, qui va se déployer en révélant l’histoire et le personnage qui la porte.

Par exemple, pour son dernier feuilleton pour ARTE Radio, « Comme un pied », c’est l’image du personnage principal courant la nuit et traversant le pont de Boulogne, qui contient en germe toute l’histoire. Le personnage est là : exilé, solitaire, pieux.

Il y a ensuite une thématique sociale : dans le cas de « Comme un pied », les relations de travail, incarnées là dans le monde du football. Un monde d’ultralibéralisme, au croisement de thèmes majeurs (paradis fiscaux, pouvoir politique et médias, pouvoir économique, relations nord/sud, précarité, destruction progressive du code du travail). Pour aborder ce thème qu’elle connaissait peu, Mariannick a réalisé une enquête de plusieurs mois sur le milieu du football. En radio comme en football, le métier est censé être « une passion ». Il y a donc une résonnance personnelle dans le choix du thème.

Enfin, il y a l’idée d’une forme, souvent plus proche d’une intuition ou d’une intention car pas toujours très concrète. La précédente fiction de Mariannick, Le Bocal, se déroulait dans un espace confiné : un bureau, avec une narratrice, un comédien pour jouer tous les autres personnages, et la bruiteuse pour dessiner ce monde. Mariannick a donc voulu prendre le contre-pied en cherchant ce qu’ils n’avaient pas encore essayé avec ARTE Radio, et l’idée lui est venue de faire quelque chose sur le foot : avec un groupe de comédiens, beaucoup de tournage en extérieur (au stade notamment), et un jeu d’acteur utilisant aussi l’improvisation.

Puis elle ne travaille pas en fonction d’une dramaturgie bien établie : chaque scène doit tirer sa force d’elle même, suffisamment pour entrainer l’auditeur vers la prochaine. Elle monte les séquences écrites comme s’il s’agissait de scènes enregistrées.

Par ailleurs, elle a besoin de rencontrer les comédiens, d’entendre leur voix avant de construire les personnages. Ainsi le comédien complexifie le personnage d’emblée, par sa voix, son corps.

Écoutes

1re écoute : les « chants » de baleine de Stéphane Michaka.

Le mot « baleine », énoncé avant l’écoute, aiguille l’auditeur. Car ici, nul chant de baleine à proprement parler. Mais une interprétation de ce chant, par des voix humaines d’abord puis par des saxophones (Marsalis).

Ainsi les sons ne signifient pas toujours ce qu’ils sont. Les correspondances tissées par l’esprit comptent bien plus que la seule nature du son, précise Mariannick.

2e écoute : extrait d’une fiction réalisée pour  Nuit noire à France Inter par Mariannick Bellot, Le petit vélo

Mariannick a passé beaucoup de temps dans les tribunaux à assister à des comparutions immédiates. Elle y a finalement posé son micro et enregistrer des audiences. Puis, à partir de cette matière sonore, elle a écrit une fiction.

3e écoute : Le château, de Stéphane Michaka, une adaptation pour France Culture du roman de Kafka.
Cédric Aussir, le réalisateur avec qui a travaillé Stéphane est parvenu à créer un espace sonore cinématographique. Il a par exemple placé des micros HF sur le comédien pour créer une sensation de proximité. La sensualité du son n’en est que soulignée.
Pour Kafka,  « Le Château est un documentaire sur un village », explique Stéphane Michaka.

4e écoute : La Vache d’Amaury Chardeau, réalisé pour les Passagers de la Nuit
Jusqu’au XVIIe siècle les animaux pouvaient être traduits en justice pour des crimes qu’ils avaient commis. Parfois, on leur assignait même un avocat. La production d’Amaury constitue un bon exemple d’œuvre au croisement du documentaire et de la fiction : elle pourrait correspondre aux critères de l’une ou l’autre catégorie. Les archives se mêlent aux voix des comédiens et aux extraits littéraires.

5e écoute : Silences, de Mariannick Bellot réalisé par Anne Franchini pour Surpris par la nuit
Mariannick a préparé plusieurs extraits qui ont été rapidement évoqués. Elle a choisi « Silences » pour le mélange des matières sonores de l’introduction (enregistrements familiaux, dialogues et ambiances de films, extraits d’un reportage vidéo, sons de vents pris sur un cargo…). Le résultat est une matière qui s’apparente à la fiction, par son ambiance.


Les participants

 Amaury travaille régulièrement à France culture où il produit des documentaires pour Sur les Docks. Mais il fait face à une « crise de vocation » dans le documentaire radiophonique. La fiction ne serait-elle pas un meilleur moyen de retranscrire le réel ?

 Céline est journaliste pour RFI, elle écrit actuellement l‘ébauche d’une fiction. Une histoire d’amour analogique entre deux adolescents. Elle a en tête tout un inventaire de sons reflétant l’ère analogique mais craint d’écrire l’histoire en fonction de ces sons, d’adapter son récit aux contraintes sonores.

 Stéphane est écrivain et auteur de romans policiers, mais pas que. Il abandonne régulièrement  le papier et compose pour France Culture de nombreuses fictions, notamment des Enfantines.  Son dernier roman : « Elvis sur Seine », est paru chez La Tengo Editions. Et « la fille de Carneggie » chez Rivages noirs.

 Cécile travaille comme assistante de réalisation sur les fictions à France Culture. Elle est intéressée par le documentaire en fiction.

 Marie-Noëlle est bibliothécaire, amatrice de radio et de fictions. Elle aime se saisir du quotidien pour écrire et pourquoi pas un jour,  enregistrer plus sérieusement.

 Clotilde est journaliste web spécialisée l’analyse sociologique du travail. Auteur également de quelques « Sur les docks », elle doit aujourd’hui « fictionnaliser » la biographie de quelqu’un et cela lui pose problème.

 Katia écrit des fictions mais ne les a pas réalisées. Elle éprouve des difficultés à intégrer le son dans le récit.

 Aude est assistante de production à RFI. Elle s’intéresse à l’émergence de la fiction dans le réel et pour cela tend le micro aux gens étonnants qui la croisent. Autant de rencontres qui déclenchent un moment d’écriture, une mise en fiction du réel.

 Mathilde a réalisé des documentaires pour Arte radio. Elle a dernièrement travaillé avec Mariannick Bellot à la fiction Comme un pied. La frontière entre fiction et documentaire lui apparaît poreuse, elle est donc curieuse de saisir comment l’un et l’autre s’interpénètrent.

 Léa Minod a signé pour Arte Radio un premier son « Mon chat Teigne »
où la dimension documentaire et l’écriture fictionnelle s’interpénètrent.

Compte rendu revu par Anne-Claude Romarie

5e Atelier de partage des Tâches « L’imaginaire radiophonique : du documentaire vers la friction »

Mariannick Bellot est l’auteur de nombreux documentaires et fictions pour une certaine radio concurrente mais à qui nous devons malgré tout le respect. Elle réalise aussi des frictions radiophoniques pour une autre radio concurrente à celle citée précédemment et donc au final, ne nous mêlons pas de cette histoire.

Le parcours d’étudiante de Mariannick la mène d’abord à  la FEMIS où elle suit une formation de scénariste. En vérité elle en profite pour parler pendant des heures de choses qui n’intéressent que les gens avec qui elle parle pendant des heures. Pour ça, elle obtient une bourse, volée dans la poche déjà maigre du contribuable, ce qui n’est pas très reluisant mais n’apparait pas dans son CV.
C’est lors de sa première année qu’elle se lance pour la première fois dans la manipulation du son. C’est également à cette période qu’elle envisage que les sons n’appartiennent à personne et qu’elle se penche sur ce paradoxe: peut-on utiliser des sons, leur faire dire ce qu’on veut et ainsi briser à tout jamais leur fierté et leur autonomie?

Grâce à la Fémis, elle écrit une première fiction radio pour la radio concurrente que décidément on ne citera pas. Elle qui écoutait beaucoup la radio, mais sans jamais l’allumer, juste elle restait là à écouter le bruit neutre que produit une radio à l’arrêt, et elle est étonnée de découvrir l’envers du décor… Car la jeune femme ne s’était jamais demandé « comment ça marche ».  Bien sûr personne ne le sait comment ça marche une radio, si ce n’est les constructeurs de radio eux-mêmes, et encore, pas les PDG, mais Mariannick est pugnace et elle veut comprendre.

L’écoute de documentaires de la radio concurrente, non non, n’insistez pas, on ne la citera pas, question d’éthique, et en particulier des « Nuits magnétiques », occupe une grande place dans sa vie : « Tout d’un coup, un monde s’ouvrait ». C’est la fameuse phrase rendue célèbre par l’inventeur de la boite de conserve en 1908, que Mariannick s’est attribuée pour se la péter dimanche devant des participants à la fois crédules et bien ignorants.

Après ses études (sic!), elle travaille quelques années comme scénariste, essentiellement sur des premiers longs métrages. C’est long donc.

En 2001, grâce à la bourse « Court-Brouillon d’un rêve » de la SCAM, elle peut enquêter sur l’histoire des camps nazis de l’Organisation Todt en France (chargée de la construction du Tunnel sous la Manche), où a été enfermé son grand-père, républicain espagnol exilé en France.   Et autant vous le dire tout de suite, pas marrant de rester enfermé dans le tunnel sous la Manche. Surtout quand il n’existe pas encore.

Cette enquête deviendra un documentaire pour « La Fabrique de l’Histoire », sur France Culture, bon, tout le monde de toutes manières avait bien compris de quelle radio concurrente il s’agissait alors arrêtons dès à présent ces petites hypocrisies débiles et puis c’est trop long à écrire « la radio concurrente que tout le monde connaît » alors merde, ok, vous avez gagné, c’est France Cul donc. A partir de là, elle travaille de plus en plus pour la radio, en documentaire (« Surpris par la nuit », « Sur les Docks », « Les passagers de la nuit ») et vas-y que je me la pète encore…

Elle a reçu en 2009 le prix Nouveau Talent Radio de la SACD, et en 2008 le prix spécial Europa du meilleur feuilleton radiophonique européen pour le bocal, réalisé avec Christophe Rault pour ARTE Radio. En 2006, avec l’ensemble des producteurs de « Sur les Docks », elle a reçu le prix collectif de la SCAM pour le documentaire radio. Surtout ne la croyez en rien, cette femme est complètement mégalo et surtout mytho au plus haut degré, elle m’a dit un jour qu’elle mettait des noms connus comme Jackie Berroyer sur son CV pour juste récupérer du pognon!

Sophie Bissantz travaille comme bruiteuse à Radio France et parfois pour Arte Radio. Elle travaille le plus souvent avec des réalisateurs de fiction, mais elle a aussi collaboré avec des documentaristes : récemment, avec Irène Omélianenko, pour un docu-fiction, ou avec Perrine Kervran pour « les rêves rêvés », sur « Les passagers de la Nuit ». Sophie est également une femme drôle et intelligente et complètement frappée mais ça personne n’en parle parce que il faut toujours avoir l’air posé et NORMAL quand on participe à une formation comme celle-là. Même si elle se déroule un dimanche. Ce qui n’est pas très crédible je trouve, ni sérieux.

C’est pour elle que Mariannick a écrit « Le Bocal », une fiction sur la vie de bureau, comme un cartoon radiophonique. Elles s’étaient rencontrées sur une fiction de Mariannick réalisée par Marguerite Gateau, où elles avaient bien rigolé en mangeant des conneries au sucre et puis Sophie avait travaillé sur un documentaire de Mariannick sur les menteurs, où sa créativité sans limite avait donné envie à Mariannick d’écrire pour elle. Elles ont poursuivi leur collaboration sur « Comme un pied », le feuilleton sur le foot que Mariannick a réalisé pour ARTE Radio en 2010. Re sucreries. Re ricanements mais bon dieu, est-ce que quelqu’un va enfin s’enlever les œillères et dire la vérité toute nue: ça ne bosse pas!! Ça ne fait que rigoler et c’est tout! Tout ça pour quoi? Pour faire des fictions que personne n’écoute ou alors en préparant la bouffe pour son mec qui rentre du bureau, autant dire que ça c’est pas la joie, parce qu’il y a des gens sur cette terre qui travaillent vraiment et qui ont le sens du devoir, de la famille, de la patrie bordel de merde!

Sophie a été conviée par Mariannick pour évoquer son travail avec les documentaristes et les réalisateurs de fiction. « Je laisse venir les choses, je réfléchis d’abord sur une ambiance, sur des sensations » dit-elle, lorsqu’un auteur lui présente un scénario.  Elle doit comprendre les volontés de ce dernier, rester ainsi à l’écoute.

Et parfois, lorsque ces volontés sont difficiles à réaliser, l’inventivité de Sophie n’en est que stimulée.

Non mais là j’arrête tout de suite parce que franchement ça me dégoûte.
La suite on la connaît tous: dommage qu’on ait si peu de temps, vraiment c’est pas facile de travailler dans ces conditions, on a droit au respect même quand notre rôle consiste à frotter une fourchette sur un rouleau de scotch pour donner l’impression qu’un avion s’écrase sur le World Trade Center, stop. Vraiment. STOP.

Lamentable.

Y’avait quand même autre chose de mieux à foutre dimanche que d’écouter ces conneries. Michel Drucker par exemple a fait une très belle émission, dimanche dernier.

Elle regrette que le travail avec les documentaristes soit très limité dans le temps : 4h de tournage pour un documentaire de 55 minutes, contre 2 à 3 jours de tournage sur une fiction, même si le rôle d’un bruiteur sur le plateau ne se limite pas à l’enregistrement des bruitages.

Et voilà donc la litanie des jérémiades qui continue…

Le bruiteur est le « corps » des comédiens, il bruite tous leurs mouvements, d’où sa présence constante, et sa proximité avec eux lors des enregistrements, qui peut générer des situations pour le moins ambigües mais, avouons le, pas totalement désagréables quand le comédien, par exemple, et c’est un exemple, a une présence intéressante (même s’il a une voix de poussin anti-radiophonique qu’on oubliera très vite en posant son menton très près de son omoplate, mais c’est un exemple donc, on peut aussi lui foutre carrément sur le cul et si le comédien à la présence intéressante est vraiment pro, il ne réagira pas parce qu’il saura que c’est pour les besoins de la fiction, et non pas ceux de la bruiteuse en mal d’affection, par exemple. Mais c’est un exemple) C’est aussi lui qui dirige les ambiances, avec les figurants. Il est le relais de l’équipe de réalisation sur le plateau. Il peut par exemple préparer le café pour toute l’équipe. Ou bien seulement pour la réalisatrice si c’est un lèche-cul. Exemple toujours.

Pour Irène Omélianenko, qui a pris pour sujet un alpiniste coincé dans un glacier, sujet qui n’intéresse absolument personne, mais le bruiteur est la pour bruiter et non pas pour choisir ses sujets, elle a cherché à rendre la sensation du froid, les craquements et les grondements du glacier. Elle travaillait face au comédien qui interprétait le texte, enfermée dans un frigo à double compartiment, genre frigo américain qui fait des glaçons en forme d’alpiniste coincé dans un glacier, ce qui n’était pas très pratique, d’abord il a fallu se trimballer ce putain de frigo jusqu’au studio situé, bien évidemment, au tout dernier étage, et bien évidemment encore, je ne vous précise pas que l’ascenseur était hors service, et puis surtout Sophie est une phobique du noir alors il fallait veiller à ce que la petite lumière reste allumée même quand la porte du frigo était fermée et ça a pris des heures parce qu’il a fallu mettre la petite ampoule de la veilleuse sur pile et je ne vous dis pas, le temps que ça a pris tout ça, tout ça pour donner vie à une histoire d’alpiniste débile qui s’est retrouvé coincé comme un con dans un glacier franchement quel énergie dépensée pour si peu de choses.

Donc en résumé, faire une fiction c’est pas de la tarte.

Méthode de travail de Mariannick Bellot

D’après Mariannick, il y a un désir qui la porte, du début à la fin de son projet, sans qu’elle puisse forcément toujours mettre les mots dessus. En général ça peut quand même se résumer à cette histoire de fiction qui n’est pas de la tarte, en effet, Mariannick est obnubilée par la bouffe, donc ses envies et bien elles tiennent dans un ventre, qu’elle a plus gros que les yeux (qui sont pourtant déjà globuleux). Elle s’appuie sur lui, sans savoir où elle va. C’est ce qu’on appelle la vie. Elle peut y revenir en cours de travail pour savoir si elle est sur le bon chemin ou pas. C’est comme ça qu’elle défonce la voiture familiale sans le moindre remord. C’est comme une note fondamentale qui va donner la tonalité de projet. Aile froissée.

Elle ne fait pas de différence capitale entre le travail sur une fiction et sur un documentaire : dans les deux cas, il s’agit de raconter une histoire, en assumant un point de vue subjectif et une construction narrative, ce qui ne veut rien dire du tout mais on ne peut pas demander à tout le monde d’avoir le sens de la formule.

Le même désir d’explorer une thématique peut d’ailleurs prendre au final la forme d’un concombre ou d’une couverture de survie, suivant les rencontres ou les occasions de travailler dans tel ou tel cadre de production.

Au départ d’une fiction, il y a souvent plusieurs origines mêlées. Au départ, il y a souvent une sensation très forte, qui va se déployer en révélant l’histoire et le personnage qui la porte.

Par exemple, pour son dernier feuilleton pour ARTE Radio, « Comme un pied », c’est l’image du personnage principal courant la nuit et traversant le Bois de Boulogne, qui contient en germe toute l’histoire. Le personnage est là : exilé, solitaire, pieux. Il pense surtout au fait qu’il traverse le bois de Boulogne et qu’il se taperait bien une pute mais il ne peut pas car dans cette fiction, il doit se contenter de courir en restant exilé, solitaire et pieux.

Il y a ensuite une thématique sociale : dans le cas de « Comme un pied », les relations de travail, incarnées là dans le monde du football, et des ongles. Un monde d’ultralibéralisme, au croisement de thèmes majeurs (paradis fictions, pouvoir fictions et médias, fiction économique, fictions nord/sud, précarité fiction, fiction progressive du code du travail). Pour aborder ce thème qu’elle connaissait peu, Mariannick a réalisé une enquête de plusieurs mois sur le milieu des salons de coiffure. En radio comme en coiffure, le métier est censé être « une passion ». Il y a donc une résonnance personnelle dans le choix du thème. Sans parler de sa coupe de cheveux, et de celle de ses enfants qui ne leur permet aucune sorte de relations sociales sincères et sereines avec leurs petits camarades.

Enfin, il y a l’idée d’une forme.

Ou pas.

Si jamais il y en a une, elle est plus proche de l’intention ou de l’ectoplasme. La précédente fiction de Mariannick, Le Bocal, se déroulait dans un espace confiné : un bureau, avec une narratrice, un comédien pour jouer tous les autres personnages, et la bruiteuse pour dessiner ce monde, confiné mais expansif. Mariannick a donc voulu prendre le contre-pied en cherchant ce qu’ils n’avaient pas encore essayé avec ARTE Radio, et l’idée lui est venue de faire quelque chose sur le foot : avec un groupe de comédiens, beaucoup de tournage en extérieur (au stade notamment), et un jeu d’acteur utilisant aussi l’improvisation.

Puis elle ne travaille pas en fonction d’une dramaturgie bien établie : chaque scène doit tirer sa force d’elle même, suffisamment pour entrainer l’auditeur vers la prochaine. Elle monte les séquences écrites comme s’il s’agissait de scènes enregistrées.

Par ailleurs, elle a besoin de rencontrer les comédiens, d’entendre leur voix avant de construire les personnages. Ainsi le comédien complexifie le personnage d’emblée, par sa voix, son corps.
Et c’est tout pour la méthode de travail.

Écoutes

1ère écoute : les « chants » de baleine de Stéphane Michaka.

Le mot « baleine », énoncé avant l’écoute, aiguille l’auditeur. Car ici, nul chant de baleine à proprement parler. Mais une interprétation de ce chant, par des voix humaines d’abord puis par des saxophones (Marsalis).

Ainsi les sons ne signifient pas toujours ce qu’ils sont. Les correspondances tissées par l’esprit comptent bien plus que la seule nature du son, précise Mariannick.

2e écoute : extrait d’une fiction réalisée pour  Nuit noire à France Inter par Mariannick Bellot, Le petit vélo

Mariannick a passé beaucoup de temps dans les tribunaux à assister à des comparutions immédiates. Elle y a finalement posé son micro et enregistrer des audiences. Puis, à partir de cette matière sonore, elle a écrit une fiction.

3e écoute : Le château, de Stéphane Michaka, une adaptation pour France Culture du roman de Kafka.

Cédric Aussir, le réalisateur avec qui a travaillé Stéphane est parvenu à créer un espace sonore cinématographique. Il a par exemple placé des micros HF sur le comédien pour créer une sensation de proximité. La sensualité du son n’en est que soulignée.

Pour Kafka,  « Le Château est un documentaire sur un village », explique Stéphane Michaka.

4e écoute : La Vache d’Amaury Chardeau, réalisé pour les Passagers de la Nuit

Jusqu’au XVIIe siècle les animaux pouvaient être traduits en justice pour des crimes qu’ils avaient commis. Parfois, on leur assignait même un avocat. La production d’Amaury constitue un bon exemple d’œuvre au croisement du documentaire et de la fiction : elle pourrait correspondre aux critères de l’une ou l’autre catégorie. Les archives se mêlent aux voix des comédiens et aux extraits littéraires.

5e écoute : Silences, de Mariannick Bellot réalisé par Anne Franchini pour Surpris par la nuit

Mariannick a préparé plusieurs extraits qui ont été rapidement évoqués. Elle a choisi « Silences » pour le mélange des matières sonores de l’introduction (enregistrements familiaux, dialogues et ambiances de films, extraits d’un reportage vidéo, sons de vents pris sur un cargo…). Le résultat est une matière qui s’apparente à la fiction, par son ambiance.